Dans certaines zones tendues, la question du logement social est au cœur des politiques publiques. Pour y répondre, les collectivités territoriales disposent d’un levier juridique puissant : le droit de préemption urbain (DPU). Celui-ci peut leur permettre d’acquérir un bien immobilier en priorité afin d’y développer une offre de logement social. Le notaire, intermédiaire essentiel dans la vente, doit savoir identifier ces situations, en mesurer les conséquences juridiques et accompagner ses clients dans une logique de sécurité et d’anticipation.
Quand le DPU est-il utilisé pour le logement social ?
Le DPU permet à une collectivité d’acquérir un bien en priorité sur tout autre acquéreur, dès lors que ce bien est situé en zone de préemption (souvent définie dans le PLU ou dans des périmètres spécifiques comme les zones ANRU ou les zones SRU). L’article L210-1 du Code de l’urbanisme précise que ce droit peut être exercé pour tout projet d’intérêt général, notamment la réalisation de logements sociaux.
Plusieurs cas typiques :
- Immeubles de rapport dans des centres-villes où la collectivité cherche à diversifier l’offre locative ;
- Terrains libres ou à démolir, dans le cadre d’un projet de construction mixte (privé/public) ;
- Logements vacants ou insalubres, pouvant être transformés ou réhabilités.
Ce que le notaire doit impérativement vérifier
1. Le zonage du bien
Le notaire doit consulter le PLU ou la cartographie de la zone de préemption pour vérifier si le bien est situé dans un périmètre à fort enjeu social. Certaines communes disposent de zones à préemption renforcée spécifiquement orientées vers la politique du logement.
2. Les objectifs publics de la collectivité
Certaines collectivités affichent clairement leurs priorités via des délibérations municipales, des programmes locaux de l’habitat (PLH), ou des partenariats avec des bailleurs sociaux. Une veille juridique et territoriale permet d’anticiper un possible exercice du DPU à des fins sociales.
3. Les projets en cours
Si la commune est engagée dans une opération d’aménagement, une ZAC ou une convention ANRU, le risque de préemption dans une optique de logement social est élevé. Le notaire peut consulter le service urbanisme ou les publications locales pour détecter ces signaux faibles.
Comment le DPU se manifeste-t-il dans ces cas ?
L’exercice du DPU est notifié dans les deux mois suivant la réception de la DIA. La décision précise :
- Le bénéficiaire du droit de préemption (commune, EPF, bailleur mandaté) ;
- Le motif de l’acquisition (ici, la création de logements sociaux) ;
- Le prix proposé, qui peut être inférieur au prix initialement convenu.
Le vendeur peut accepter, négocier ou refuser. En cas de désaccord sur le prix, le litige est porté devant le juge de l’expropriation.
Dans ce contexte, le rôle du notaire est de :
- Informer clairement le vendeur et l’acquéreur de cette possibilité ;
- Prévoir une clause suspensive de non-préemption dans l’avant-contrat ;
- Suivre rigoureusement les délais et relancer si nécessaire la collectivité.
Les précautions spécifiques à prendre
- Informer les vendeurs de la réalité du risque : notamment pour les propriétaires d’immeubles anciens en zones tendues, qui peuvent se voir proposer un prix inférieur au marché.
- Prévoir des délais de vente réalistes : en tenant compte d’un éventuel recours à la préemption.
- Anticiper les discussions sur le prix : certains vendeurs, surpris par un usage social du DPU, peuvent refuser de vendre à la collectivité. Il est important de les préparer à cette éventualité, tant sur le plan juridique que psychologique.
Conclusion
Le DPU au service du logement social est une réalité croissante dans de nombreuses communes. Pour les notaires, cela implique une vigilance accrue, à la fois juridique et territoriale. Connaître les objectifs locaux, anticiper les démarches administratives et bien informer les parties sont les clés pour éviter les blocages et garantir la sécurité de la transaction.